Focus sur la réglementation du crowdfunding : un vaste chantier à mettre en place

Publié le Publié dans Actualités

Focus sur la réglementation du crowdfunding : un vaste chantier à mettre en place

 

La finance participative – crowdfunding –, source émergente et alternative de financement, consiste à financer un projet auprès du grand public, essentiellement par l’intermédiaire de plateformes internet. Une nouvelle source importante pour le financement des PME notamment, que l’Europe cherche à développer. En effet, les PME, start-ups et entrepreneurs peuvent parfois ne pas être adaptés au financement bancaire traditionnel et rencontrent alors souvent des difficultés pour trouver le financement dont elles ont besoin pour investir dans leur croissance et créer de nouveaux emplois.

Malgré l’importance croissante que prend ce nouveau mode de financement à travers le monde, de nombreux pays ne disposent pas encore d’un cadre légal spécifique pour ce secteur. Ce vide juridique représente un frein majeur à son développement, dans la mesure où il entretient un manque de confiance par les investisseurs potentiels et peut encourager les dérives.

 

Un peu d’histoire aux États-Unis pour débuter...

C’est aux États-Unis, pionnier et leader du crowdfunding, que la première campagne de récolte publique de fonds s’est lancée. Il faut remonter à la fin du 19ème siècle, en 1875, lors du financement de la construction de la statue de la liberté. C’est notamment le journaliste et fondateur du journal « New York World », Joseph Pulitzer, qui décide de récolter les fonds auprès des américains pour financer l’œuvre : la première campagne de crowdfunding est née. Plus de 100 ans plus tard, c’est sans doute la révolution d’internet qui donne un nouveau souffle à cette finance participative, puisqu’en 2003 le premier site de financement participatif voit le jour (ArtistShare).

Aux États-Unis, on distingue les plateformes de prêt (lending) et les plateformes de prise de participation (equity). C’est la SEC qui garantit la sécurité du transfert d’argent et enregistre les plateformes. Rappelons que jusqu’en 2012, seuls les investisseurs « certifiés » pouvaient investir dans ce type de financement. Le JOBS act, voté par le Congrès américain en avril 2012, a permis de démocratiser le crowfunding et notamment d’autoriser les investisseurs « non-certifiés » (comme les particuliers) d’investir dans le capital d’une entreprise, sous réserve de conditions.

 

... quand, en Europe, le cadre se met en place

Le crowdfunding est un secteur peu développé en Europe mais est en plein essor selon la Commission Européenne, qui a publié son rapport le 6 mai dernier dans le cadre de son plan d’action pour l’UMC (Union des Marchés des Capitaux). A ce titre, la Commission européenne étudie le potentiel et les risques associés à ce type de financement relativement nouveau et en croissance, ainsi que les cadres règlementaires nationaux qui lui sont applicables, afin d’évaluer la possible valeur ajoutée d’une action Européenne dans ce domaine. Elle assure le suivi de l’évolution du secteur, notamment par le biais de deux réunions annuelles avec des régulateurs et acteurs du secteur ayant pour objectif de mettre en place d’éventuelles nouvelles mesures assurant à la fois la promotion du financement participatif que la protection des investisseurs. 

Notons que pour le moment, le crowdfunding est défini dans le droit européen par une communication de la Commission européenne du 27 mars 2014, mais aucun cadre réglementaire au niveau européen n’a été mis en place. Ce sont les États membres eux-mêmes qui ont mis en place leur réglementation nationale, adaptée à leur marché. La finance participative est encore concentrée dans les pays comme la France, le Royaume-Uni et l’Italie qui ont développé leurs propres réglementations spécifiques.

 

La France, championne dans la réglementation

Historiquement, le crowdfunding fait son apparition en 1999 en France avec, à l’époque, le réseau Tela-botanica qui se crée grâce au micro-financements des botanistes français. Depuis, avec internet et la désintermédiation, les plateformes se sont développées, essentiellement dans le secteur culturel au début. En France, entre 2014 et 2015, le secteur enregistre une croissance forte de l’ordre de 97% (152 millions d’euros de collecte en 2014 versus 300 millions d’euros en 2015 selon le baromètre annuel Compinnov).

La finance participative est, en raison de son activité, soumise à la réglementation bancaire et financière. A ce titre, un cadre de réglementation a été mis en place pour le secteur le 1er octobre 2014 (ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014) afin de sécuriser davantage les contributeurs et favoriser le développement de ce nouveau mode de financement. Un label a également été créé permettant d’identifier les plateformes respectant les règles en vigueur.

Ces règles encadre les pratiques du crowdfunding et attribue 2 nouveaux statuts spécifiques aux différents acteurs : 

  • -  le statut d’intermédiaire en financement participatif (IFP)
  • -  le statut de conseiller en investissement participatif (CIP) 

Pour rappel, les différentes formes de financement se font via des prêts (avec ou sans intérêt), des dons (avec ou sans contrepartie) ou des souscriptions de titres. Ainsi, pour respecter le cadre juridique et exercer leur activité, les plateformes détiennent un statut réglementé selon la nature de leur financement :

  • -  les plateformes de prêt (lending) doivent bénéficier du statut d’IFP
  • -  les plateformes de dons n’ont pas d’obligation auprès de l’ORIAS ; cependant, elles peuvent choisir le statut d’IFP
  • -  les plateformes d’investissement via souscription de titres (equity) doivent bénéficier du statut du CIP ou opter pour le statut de PSI (prestataire en services d’investissement) 

Les établissements IFP, qui mettent en relation des porteurs de projets et des investisseurs, doivent garantir la protection des intérêts du prêteur et de l’emprunteur (de même pour les plateformes de dons). Ils ont également l’obligation de publier sur leur site leurs informations légales et un rapport d’activité annuel (nombre de projets reçus, projets effectivement financés, etc.).

Les CIP doivent, quant à eux, exercer leur activité de conseil sur les offres de titre de capital exclusivement par le biais d’un site internet et avertir les investisseurs des risques de perte financière tout en assurant la transparence et l’accessibilité aux informations utiles à l’investissement. Par ailleurs, les CIP doivent s’assurer que l’investisseur est en mesure de s’engager dans une démarche d’investissement numéraire sans gager la totalité de ses ressources personnelles et qu’il possède un niveau de compétences adapté aux activités d’investissements. A noter que les CIP peuvent investir dans une SAS.

 

Vers une réglementation plus solide au Royaume-Uni ? La FCA lance une étude sur les risques du secteur

En Angleterre, la loi est plus souple ; notamment, le prêteur fixe lui-même le montant qu’il souhaite investir alors qu’en France le particulier est limité à 1 000 euros maximum par projet. Force est de constater que le rythme de développement des plateformes de crowdfunding ne cesse de croître outre-Manche. Selon la FCA (Financial Conduct Authority), ce sont environ 500 millions de livres qui ont été investis au Royaume-Uni sur les plateformes de financement participatif en 2013 contre 2,7 milliards de livres en 2015, soit une augmentation de + 81,5% sur 2 ans.

Face à ce prompt essor, qui compte désormais une centaine de plateformes, le régulateur britannique souhaite veiller à ce que la réglementation existante de 2014 soit toujours aussi pertinente et adaptée à ces plateformes. La FCA a donc décidé de lancer une étude approfondie sur le secteur du crowfunding, notamment sur ses risques et éventuels changements nécessaires.

La FCA soulève notamment que le fonctionnement de certaines plateformes est très proche du fonctionnement de celui des gérants d’actifs ou banques traditionnelles, et ce, sans qu’elles ne soient soumises aux mêmes règles obligatoires. Plusieurs interrogations sont mises en exergue. En cas de faillite, que se passe-t-il réellement pour le consommateur, quelle est sa réelle protection ? Dans le cas d’une faillite de banque ou société de crédit immobilier, le consommateur bénéficie de la protection du FSCS (Financial Services Compensation Scheme), mais avec ces plateformes ? Par ailleurs, selon le régulateur, « la qualité d’information prodiguée aux clients ne serait pas toujours conforme aux attentes ». Enfin, les plateformes manqueraient également de respecter les règles en matière de promotion d’informations financières, ce qui pourrait tromper le client.

C’est pourquoi, selon la FCA, il est désormais nécessaire de s’assurer des bonnes pratiques de ces plateformes, et d’améliorer les conditions et règlementations de ce secteur. A titre d’exemple, l’aboutissement de cette étude pourrait obliger les plateformes à évaluer la connaissance des investisseurs et leur degré de connaissance des risques, au même titre que tous les organismes financiers.

L’industrie du crowfunding a réagi à cette annonce, selon Christine Farnish, présidente de l’association Peer-to-Peer Finance, « si les plateformes doivent continuer à concurrencer les gros acteurs établis, le régulateur doit trouver le bon équilibre et s’assurer que la réglementation est proportionnée aux risques posés ».

Néanmoins, d’ici le 8 septembre prochain, la FCA souhaite remonter toutes les remarques des parties intéressées du secteur et en établir un examen détaillé.

Pour en savoir plus sur les évolutions et préoccupations récentes du secteur, la FCA a rendu publique un document que vous pouvez lire ici.  

 

L’Italie, précurseur de la réglementation au niveau européen

Avec ses 82 plateformes, le pays est l’un des premiers à réglementer le crowdfunding en Europe, et plus particulièrement l’equity. En juillet 2013, l’autorité financière italienne (CONSOB) annonce que seules les start-ups dites “innovantes”, non cotées, de moins de 4 ans et ayant leur siège social en Italie peuvent accéder à cette méthode de financement. En 2015, le pays élargit le champ à d’autres secteurs traditionnels.

 

Un vaste chantier à mettre en place... mais nécessaire

Les réglementations sont assez disparates et le développement du crowdfunding encore concentré sur certains pays dans le monde. On peut d’ailleurs constater une certaine corrélation entre la mise en place de véritables règles avec l’essor de ce moyen de financement. On retiendra que pour le moment, seuls les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Italie se sont armés pour réguler ce secteur et poursuivent des adaptations au fur-et-à-mesure de l’évolution du crowdfunding, quand d’autres pays comme le Canada, l’Amérique du Nord, l’Allemagne, l’Espagne commencent tout juste à prendre des initiatives réglementaires.

Comme dans tout nouveau modèle économique, des évolutions interviennent. Dans le cadre du crowfunding, l’évolution du secteur justifie un renforcement – voire une mise en place pour certains – de la réglementation pour les pays qui exercent cette activité et un suivi régulier qui permettrait de nouvelles propositions règlementaires plus adaptées. Des règles nécessaires pour éviter d’éventuels « débordements ».

Ce qu’il faut retenir, c’est que le crowfunding semble être devenu un moyen de financement alternatif pour de nombreuses PME, start-ups et intéressant pour les investisseurs. Le financement participatif est amené à se développer dans les années à venir et le cadre réglementaire devra lui aussi s’adapter en évoluant avec le secteur pour éviter d’éventuelles dérives et protéger les investisseurs.

 

Si vous recherchez un moyen de financement, vous pouvez contacter notre cabinet C&B CONSEILS afin que nous trouvions ensemble votre financement.